Albert Schweitzer, un médecin aux multiples facettes
15 janvier 2025Albert Schweitzer… impossible de passer à côté de ce nom en Allemagne. De nombreuses rues, écoles, universités ou encore des hôpitaux sont dénommés ainsi. Albert Schweitzer – scientifique, médecin, philosophe, théologien, auteur, musicien et prix Nobel de la paix – s'est aussi fait remarquer pour son engagement humanitaire en Afrique, notamment avec la clinique de la jungle qu'il a construite à Lambaréné, dans l'actuel Gabon.
Un engagement et des critiques
Né le 14 janvier 1875, Albert Schweitzer s'est fait connaître notamment grâce à l'hôpital qu'il a fondé en 1913 et à son œuvre médicale au Gabon, notamment contre la lèpre. Très engagé dans la lutte contre les maladies et la mortalité infantile, il aura marqué son époque, une époque où les courants de pensée coloniaux étaient largement répandus. Alors que de grandes parties de l'Afrique étaient sous la domination coloniale des pays européens, Albert Schweitzer se considérait lui-même comme investi d'une sorte de "mission civilisatrice " en Afrique. Alsacien franco-allemand, considéré comme le pionnier de la médecine humanitaire, il voulait rendre la médecine accessible à tous.
En Afrique, alors que l'hôpital de la jungle était un grand succès, Albert Schweitzer avait pris par contre une grande distance par rapport aux atrocités de l'Holocauste. Il ne s'est jamais clairement exprimé à ce sujet tout au long de sa vie, ce qui lui est encore reproché aujourd'hui, affirme l'experte en sciences culturelles et publiciste Caroline Fetscher. Dans son livre " Tröstliche Tropen ", elle se penche sur la figure ambivalente d'Albert Schweitzer.
"Albert Schweitzer avait tout à fait connaissance de la persécution des Juifs. De temps en temps, il y avait dans ses lettres des phrases sur les ‘hommes non civilisés' et la ‘perte de culture'. Mais il n'a ni protesté ni élevé la voix d'une quelconque manière après 1945, bien que ses contemporains l'aient attendu et exigé de lui " explique Caroline Fetscher.
Un silence énigmatique
Pour les recherches pour son livre, Caroline Fetscher s'est mise à la recherche de biographies de collaborateurs de Schweitzer et a appris que dans son hôpital travaillaient à l'époque en grande partie des médecins juifs qui avaient dû quitter l'Europe à cause de l'Holocauste.
"Après la guerre, il y avait chez lui un médecin dont on parlait même comme futur directeur de l'hôpital – Albert Schweitzer était déjà très âgé – et cet homme avait un numéro d'Auschwitz tatoué sur son bras. Schweitzer connaissait son histoire et était au courant des atrocités."
À cela s'ajoute le fait que la femme de Schweitzer, Hélène, était d'origine juive et qu'elle avait échappé de très peu au camp de concentration.
" Il n'en reste pas moins qu'il y a un énorme vide chez lui, sur lequel même ses biographes sont très perplexes ".
Prix Nobel
Les raisons qui ont poussé Albert Schweitzer à se lancer dans l'aventure en Afrique à son époque semblent avoir été, dans un premier temps, de nature héroïque.
"En fin de compte, tout le bien que nous faisons aux peuples des colonies n'est pas un bienfait, mais une expiation pour les nombreuses souffrances que nous, les Blancs, leur avons infligées depuis le jour où nos navires ont trouvé le chemin de leurs rivages " disait-il. Il semble qu'il cherchait à réparer ce que d'autres " Blancs " avaient fait.
Malgré toutes les critiques, Albert Schweitzer voulait faire le bien, même s'il défendait les opinions colonialistes largement répandues de son époque. Il figure dans les livres d'histoire pour son action et est particulièrement célébré cette année, qui marque le 150e anniversaire de sa naissance.
Le monde ne le connaît pas seulement comme "docteur de la jungle" , humaniste et ami des animaux, mais aussi comme combattant infatigable contre l'armement nucléaire pendant la guerre froide. Son engagement lui a valu le prix Nobel de la paix en 1952.
Albert Schweitzer restera près de 40 ans dans la forêt gabonaise, jusqu'à sa mort le 4 septembre 1965 à l'âge de 90 ans.