Le document aurait dû être publié il y a six mois, avant la rupture de la coalition gouvernementale. C'est donc un gouvernement minoritaire "rouge-vert", amputé de son partenaire libéral, qui a présenté la semaine dernière les nouvelles lignes directrices de la politique allemande pour l'Afrique. Le titre : "Construire ensemble des partenariats dans un monde en mutation".
Respect mutuel et réciprocité
Avec le "respect mutuel" comme élément central, le gouvernement entend notamment renforcer le travail de mémoire sur les crimes de la colonisation.
"Nous ne pouvons pas comprendre les positionnements actuels des sociétés et gouvernements africains en matière de politique étrangère sans prendre en compte le passé colonial", estime Nils Schmid est porte-parole du groupe parlementaire SPD pour les Affaires étrangères.
Les lignes directrices promettent ainsi de reconnaître les injustices, de restituer des biens culturels et des restes humains. Une avancée que salue Andreas Mehler, directeur du Centre africain pour la recherche transnationale à l'université de Fribourg.
"Je trouve que c'est une bonne chose qu'il comporte maintenant le terme de réciprocité, cela m'avait manqué jusqu'à présent et je me réjouis qu'il ait désormais sa place ici."
Travail de mémoire sur la colonisation
Le document accorde une priorité particulière au processus de réconciliation avec la Namibie, qui est d'ailleurs le seul pays africain cité nommément dans les 34 pages.
"Je regrette de ne pas voir les autres anciennes colonies allemandes aux côtés de la Namibie, au moins les pays de l'Afrique orientale allemande", souligne Andreas Mehler, qui aurait souhaité y voir aussi figurer des pays comme la Tanzanie et le Cameroun.
"En Tanzanie, on voit que des discussions ont déjà lieu, donc il me semble que ces lignes directrices constituent un recul par rapport à ce qu'il se passe déjà. Quant au Cameroun, je crois qu'il est aussi incontestable qu'il y a eu un passé sanglant qu'on aurait pu aussi mentionner."
Pour l'écologiste Jamila Schäfer, membre de la commission parlementaire des Affaires étrangères du Bundestag, le grand progrès de ces nouvelles orientations réside dans l'approche d'égal à égal qui est mise en avant.
"Que cette attitude paternaliste disparaisse, qu'on dise qu'il s'agit de partenariats communs dont chacun profite et non d'un rapport de haut en bas comme c'était le cas dans les précédentes orientations de la politique allemande pour l'Afrique."
Les pays africains comme partenaires
Le gouvernement allemand insiste aussi sur l'importance d'accorder deux sièges permanents pour l'Afrique au Conseil de sécurité de l'ONU. Actuellement, le bloc africain ne dispose que trois sièges non permanents qui sont renouvelés tous les deux ans.
Considérer les pays africains et leur rôle dans la résolution des dossiers internationaux est devenu une nécessité, estime le député social-démocrate Nils Schmidt : "La guerre de la Russie contre l'Ukraine, la guerre à Gaza, ont montré clairement que la politique étrangère ne peut plus être aujourd'hui la seule affaire des Européens et des Américains, mais que nous devons prendre en compte les perspectives des autres parties du monde et donc aussi de l'Afrique."
La participation des sociétés civiles est également soulignée dans le document, et en particulier la coopération avec la jeunesse du continent. "Cette jeune population décidera de la forme que prendront les relations futures avec l'Allemagne et l'Europe", peut-on y lire.
Répondre aux tendances autocratiques
Mais que faire si, comme le font les gouvernements militaires actuels de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, ces jeunes partenaires se détournent de l'occident et se tournent vers la Russie ? Le document souligne que "nous répondons aux tendances autocratiques par un dialogue ouvert et critique".
"Il s'agit d'une part de maintenir le dialogue avec ceux qui ont le pouvoir, que cela plaise ou non, parce que des défis mondiaux tels que le changement climatique ne peuvent être abordés que de manière globale", explique Nils Schmidt, expert du SPD en politique étrangère.
"En parallèle, il s'agit de renforcer ceux qui défendent la diversité politique et le débat d'idées ouvert pour trouver la meilleure solution."
En 2019, la sécurité et la stabilité figuraient en tête des priorités de la politique africaine de l'Allemagne. Dans les nouvelles lignes directrices - la première mise à jour depuis que le chancelier Scholz a déclaré un "changement d'époque" suite à l'invasion de la Russie en Ukraine - ces questions sont placées derrière des sujets comme la protection du climat.
Un changement de priorité que critique Wolfgang Stefinger, du parti conservateur bavarois CSU, selon lequel "il manque une approche claire du rôle de la Chine et de la Russie sur le continent africain".
Occasion manquée en matière d'économie ?
Le député conservateur voit une occasion manquée, en particulier dans le domaine de la coopération économique. Un point de vue que partage aussi le directeur de l'Afrika-Verein, une association d'entrepreneurs allemands actifs dans les pays africains.
Pour Christoph Kannengießer, le gouvernement fédéral agit avec beaucoup trop de retenue, alors que le continent africain revêt une importance stratégique pour l'Europe, sur le plan politique comme économique. Il plaide aussi pour une meilleure protection des investissements allemands en Afrique.
"Il y a la question des instruments innovants. Nous avons proposé de créer un modèle de garantie pour les banques qui faciliterait les achats des clients africains auprès des entreprises allemandes. Il ne s'agit pas de subventionner le prix du marché mais de créer des modèles de prêts qui soient accessibles aux clients africains avec des taux d'intérêts abordables."
Christoph Kannengießer salue en revanche l'engagement de l'Allemagne à soutenir la zone de libre échange continentale africaine et les mesures prises pour renforcer les relations commerciales avec les pays africains.
En matière de politique énergétique, le gouvernement allemand veut nouer des partenariats équitables qui soutiennent une transition énergétique sur les deux continents. C'est le cas d'Hyphen, un projet d'hydrogène vert en Namibie, dont 50 à 60% des bénéfices pourraient à terme rester sur place.
"C'est précisément ce genre d'offres qui rompent avec la vieille logique d'exploitation coloniale et qui ont à cœur de faire en sorte que la population locale en profite", se réjouit l'écologiste Jamila Schäfer. "Je crois que c'est une différence de perspective par rapport à des pays comme la Russie ou la Chine et leur néo-impérialisme."
Jusqu'à présent, le projet n'existe toutefois que sur le papier - le début de la production est prévu pour 2028. Les défenseurs de l'environnement émettent aussi des critiques, car le site prévu se trouve dans une zone sensible.
Quelles orientations après les élections ?
Alors que l'Allemagne s'apprête à tenir des élections législatives anticipées, le 23 février, la question se pose quant à l'application de cette nouvelle politique africaine par le gouvernement qui sortira des urnes.
Le ministère allemand des Affaires étrangères, en charge du dossier, affirme que les réunions régulières au niveau des secrétaires d'Etat des ministères concernés se poursuivront après les élections.
Le politologue Andreas Mehler est également confiant quant à la poursuite des orientations après le 23 février.
"Je suppose qu'elles sont contraignantes, dans le passé, on a toujours eu un consensus relativement élevé entre les partis sur la politique africaine, donc il y a une certaine continuité, au-delà des frontières des partis - si on fait abstraction des extrêmes - qui devrait pouvoir être poursuivie."
Selon le député Wolfgang Stefinger, les conservateurs, toujours crédités d'une large avance dans les sondages, veulent eux aussi renforcer la coopération économique, mais "différemment". Et ils comptent remettre la sécurité et la paix au centre des priorités.
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Crise du logement en Espagne
L’Espagne est l’économie la plus performante de la zone euro avec une croissance en 2024 de plus de 3%, supérieure à l’Allemagne ou à la France. Dans le même temps le chômage recule, la dette publique aussi.
Mais il y a un revers à cette médaille : les Espagnols ne profitent pas de ces bons chiffres et doivent notamment faire face à une envolée des prix des loyers ainsi qu'à une pénurie de logement. Se loger est devenu de plus en plus difficile... A Barcelone, le reportage d'Henry de Laguérie.
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